Les herbonautes

Avocats, litchis, ramboutans, cannelle, guarana et plus encore !

Les familles de Sapindaceae et de Lauraceae font l’objet d’études, dans le cadre de différentes flores (Nouvelle-Calédonie, Cambodge-Laos-Vietnam), qui visent à identifier les espèces présentes dans ces régions. Mais ces travaux se confrontent également à des questions de délimitations spécifiques et génériques, nécessitant de regarder et d’étudier du matériel extérieur à ces territoires et qui se trouvent dans les collections d'herbiers.

Ainsi, les Sapindaceae ont déjà fait l’objet d’une mission Herbonautes en 2014 pour l’informatisation des spécimens de l’herbier de Paris. L’analyse de ces résultats, avait révélé deux récoltes étonnantes : un spécimen en fleur récolté par Däniker en 1925 et identifié comme « Sapindaceae indet. » en 1992 par F. Adema (spécialiste de cette famille) et un second spécimen en fruit récolté par MacKee en 1971, et également restée en indéterminé. Ces deux récoltes provenaient d’une localité proche de Nouméa, la forêt des Koghis, bien connue et abondamment visitée par les botanistes. Une mission de terrain permit alors, de retrouver la plante et de confirmer qu’il s’agissait bien d’une nouveauté pour la science. Elle a été ainsi décrite et nommée Alectryon hirsutus Munzinger et al. (2020) en raison de ses longs poils hirsutes.

Fig 1 et 2 : récoltes de Däniker en 1925 et de MacKee de 1971, une nouvelle espèce a été découverte suite à une mission Herbonautes et l'étude des spécialistes.

Fig. 3 : fruits et jeunes rameaux d’Alectryon hirsutus, plante retrouvée sur le terrain après avoir été repérée grâce aux 2 spécimens de l’herbier de Paris.

Les Sapindaceae sont une famille cosmopolite. Elle comprend des arbres (comme le genre Pometia), des arbustes, des plantes volubiles (dont le bien nommé Cardiospermum, la « graine cœur ») et des herbacées. Elle compte environ 1900 espèces pour 144 genres. Parmi ses représentants tropicaux, beaucoup restent encore mal connus, avec de nombreuses espèces à décrire et des genres dont la délimitation est à revoir, comme par exemple les deux genres Lepidocupania Buerki et al. et Neoarytera Callm. et al. décrits en 2020.

Le représentant tropical le plus connu de cette famille est certainement le litchi (Litchi chinensis Sonn.), le suivent le ramboutan (Nephelium lappaceum L.) et le longan (Dimocarpus longan Lour.) très fréquents sur de nombreux marchés des pays chauds. Le guarana (Paullinia cupana Kunth.), originaire d’Amérique du Sud, se trouve désormais facilement en France sous forme de boisson énergétique.

Fig. 4 et 5 : fleurs de Pometia sp. et graines du genre Cardiospermum. 

La famille des Lauraceae est pantropicale avec quelques membres tempérés. Elle comprend des arbres et des arbustes essentiellement sempervirents et un genre herbacé parasite. Les Lauraceae comptent environ 50 genres pour un nombre d'espèces difficile à estimer, probablement entre 2500 et 3500. Le genre Adenodaphne a par exemple, été mis en synonymie avec le genre Litsea très récemment (Munzinger et al., 2022) ou encore l'espèce Cryptocarya conduplicata Munzinger & McPherson (2021), récemment décrite.

Fig. 6 et 7 : fleur d’Adenodaphne uniflora, dernièrement transféré dans le genre Litsea et fleurs de Cryptocarya conduplicata, récemment décrit.

En Europe, l’espèce la plus connue et utilisée est sûrement le laurier sauce de nos bouquets garnis (Laurus nobilis L.). Mais à l’échelle mondiale, le représentant le plus important économiquement est l’avocat (Persea americana Mill.), dont la France est le plus gros importateur, avec 39 % du total de la production mondiale. D’autres espèces utilisées aussi couramment sont le cannelier (Cinnamomum zeylanicum Blume) originaire du Sri Lanka et du sud de l'Inde dont l’écorce donne l'épice de cannelle, ou le camphrier (Cinnamomum camphora (L.) J.Presl) utilisé notamment en médecine pour ses propriétés antiseptiques et légèrement anesthésiques.

Fig. 8 et 9 : planches d'herbier de Cinnamomum zeylanicum (L.) J.Presl récoltées à l'Ile Maurice et à Ceylan (Sri Lanka).

L’exemple d’Alectryon hirsutus montre que les herbiers gardent des précieuses, quelquefois uniques, informations sur la nature. C’est d’ailleurs dans les herbiers que l’on découvre le plus d’espèces nouvelles ! Hélas, parfois elles peuvent attendre très longtemps avant qu’un spécialiste ne vienne les trouver.

Fig. 10 : collection de l'herbier de Montpellier.

L’herbier de Montpellier comprend de nombreux spécimens de ces deux familles. Leur informatisation constituerait une remarquable source de données accessibles pour la recherche et contribuerait grandement à la poursuite des études sur les Sapindaceae et les Lauraceae. Aidez-nous à révéler des nouveaux secrets bien gardés dans nos herbiers !

Fig. 11 et 12 : fruits de Podonephelium sp. et fleur d'avocat, Persea americana Mill.

Crédits photos :

Jérôme Munzinger, Université de Montpellier, UMR AMAP, IRD, CIRAD.