Les herbonautes

Les plantes de grandes cultures représentent des éléments incontournables des paysages comme en témoignent de nombreux tableaux et illustrations d’artistes de toutes les époques.

La Moisson 1888, Van Gogh. Museum Amsterdam.

Mais au cours du siècle dernier, l’agriculture en France (et dans de nombreux autres pays) a connu d’importants bouleversements passant dans beaucoup de cas, des exploitations familiales à des exploitations qualifiées "d'industrialisées". Avec la révolution agricole à partir des années 1950, on distingue notamment :

- un passage de systèmes de polycultures/élevages (extensifs) largement distribués sur le territoire à des systèmes intensifs de productions spécialisés avec une forte spécificité territoriale ;

- une intensification des productions, résultat de l’introduction de nouvelles variétés végétales combinée à la mécanisation et l’utilisation massive d’intrants (engrais de synthèse, pesticides).

L'association de ces deux phénomènes a conduit à la disparition où à la forte réduction de nombreuses variétés de plantes cultivées avec en parallèle une extension spatiale de certaines cultures.

Il existe environ 200 espèces de lin dans le monde dont la plupart sont de espèces sauvages non utilisées dans production agricole. La France est le premier producteur de lin mondial.

Bien que souvent négligés, de nombreux échantillons de plantes cultivées sont présents dans les herbiers, dont sans doute des représentant de variétés disparues. Aujourd’hui, l’analyse de l’ADN extrait de plantes en herbier permet de révéler la diversité génétique de ces variétés et ainsi d’évaluer les pertes de diversité génétique résultant d’un usage d’un nombre restreint de variétés à haut rendement.

En France les principales variétés des lentilles cultivées et consommées sont la verte du Puy, la verte du Berry, la blonde de Saint-Flour et la rosée de Champagne.

Parallèlement, l’intensification agricole a aussi certainement conduit à des modifications de la diversité des très nombreux microorganismes des sols associés aux plantes. Ces bactéries, champignons, protozoaires, etc. participent aussi bien à la "santé des sols" que de celle des plantes qui y poussent. Ceci n’a jamais pu être évalué dans la mesure ou l’on ne dispose pas de données historiques sur la diversité des microorganismes des sols. Là encore, l’analyse de l’ADN (ancien) extrait de racines de plantes en herbier et des restes de sols qui les entourent parfois, permettra de révéler la diversité des microorganismes telluriques "anciens" et de les comparer à la diversité observée aujourd’hui dans nos sols.

Objectif du projet Aux racines de l’agriculture en France :

Informatiser les données d’un ensemble des espèces de plantes de grandes cultures récoltées en France. Nous vous demanderons aussi de préciser pour chacun des échantillons, si ceux-ci possèdent des systèmes racinaires et si des restes de sol sont associés aux racines. Pour cela, plusieurs missions vous seront proposées : une première mission consistera à identifier les échantillons de plantes cultivées ceux qui ont été récoltés en France métropolitaine (dont la Corse). Une seconde mission, limitée aux échantillons de France, conduira au recueil des informations écrites sur les étiquettes, dont les lieux de récolte avec leurs coordonnées GPS. Une troisième mission pourrait être proposée selon le déroulement de deux premières.

La base de données ainsi constituée, servira à plusieurs projets de recherche pour :

- la mise en relation entre lieux et dates de récolte des plantes en herbier et des bases de données climatologiques et pédologiques. Cette analyse permettra d’identifier d’éventuelles contraintes environnementales limitant par le passé la culture de certaines espèces végétales ;

- la mise en relation entre lieux de récolte des plantes en herbier et l’origine géographique des variétés végétales maintenues dans les collections nationales/internationales, permettra de sélectionner des échantillons d’herbier dont le patrimoine génétique pourra être étudié en priorité pour évaluer la perte de diversité génétique des espèces cultivées au cours du siècle passé. Cette étude aidera à cibler des efforts de prospection pour retrouver et préserver des variétés anciennes ;

- l’établissement d’une première base de données de systèmes racinaires et de sols anciens associés à des plantes cultivées permettra aussi de développer des projets sur l’évolution temporelle des communautés de microorganismes des sols en réponse aux pratiques de l’agriculture intensive.

Ce projet est aussi susceptible d’apporter des informations historiques sur des traditions agricoles et alimentaires locales aujourd’hui disparues.

Moisson à Éragny, Camille Pizarro, 1901. Musée des beaux-arts de Canada.

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